Echec patent, ce vélo en plastique est devenu… collector (Volvo Itera - Plastic Bike - ; 1981-1985).
Sofie Lindberg
Avec des dizaines d’objets issus du Musée de l’échec d’Helsinborg, en Suède, la prochaine expo de la Cité du Design de Saint-Etienne, intitulée « Flop, quand le design s’emmêle » et qui ouvrira le 11 décembre pour deux mois, sera consacrée en partie à ces innovations qui n’ont pas fonctionné.
Trop chères, trop fragiles, d’un usage trop compliqué, en avance sur leur temps, pas assez confortables ou peu fiables : beaucoup d'innovations n'ont jamais tenu leurs promesses. Sorti dans les années 1980, le vélo en photo ci-dessus par exemple, « fait du même matériau que les vaisseaux spatiaux », devait révolutionner le marché du cycle. Mais ce qui était présenté comme son point fort, le tout plastique qui le faisait « sortir de l’âge de fer », est rapidement devenu sa grande faiblesse. Pas assez solide, instable, il a même fini par coûter deux fois plus cher que prévu. Son seul vrai succès est d’être désormais… un collector.
Parmi les autres bides qui seront présentés à la Cité du Design, voici le Crystal Pepsi. Au début des années 1990, des marketeurs obsédés par la pureté et la bonne santé poussent la marque de boissons à proposer un soda transparent promis à une carrière fulgurante. Gamelle dès les premiers pas : « J’aurais peut-être dû m’assurer que le produit avait bon goût », aurait déclaré son inventeur. Quant à ce masque de beauté censé tonifier et rajeunir la peau du visage grâce à une stimulation électrique, à fixer sur la tête à l’aide de sangles, il n’aura pas séduit grand monde. Car comme le disait une utilisatrice : « Il me donne l’impression que mille fourmis me mordent le visage. »
Se tromper est-il échouer ?
Alors que les médias, Bref Eco le premier, mettent systématiquement en valeur les success stories de l’innovation, ces flops sont-ils pour autant des échecs ? Combien d’expériences foireuses et de déconvenues faut-il subir avant d’aboutir à la réussite ? Après tout, le processus d’innovation ne passe-t-il pas souvent par ces fausses routes et ces inventions ratées ? L’échec n’est pas une punition définitive sur la route de l’innovation : c’est l’un des messages que veulent faire passer les organisateurs de l’exposition stéphanoise.
La réflexion inspirera peut-être les chefs d’entreprise pris à la gorge par la crise de la Covid. Car le moment exceptionnel que nous vivons va pousser une bonne partie d’entre eux à se tourner d’urgence vers des innovations de rupture. Le blocage de l’économie mondiale et les changements de paradigmes (environnement, déplacements, technologies, communication) exigent que soient revus l’organisation de la production autant que les business models. L’innovation disruptive s’impose comme l’une des voies (à moins que ce ne soit la seule…) à emprunter pour sortir de l’ornière. Avec elle, l’incertitude est la manœuvre : il ne faudra plus hésiter à essayer, changer… et se tromper.
Cet article a été publié dans le numéro 2430 de Bref Eco.