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Samedi 18 Mai 2024

Edition déléguée AVEC Connect'iae lyon

Mentorat : un autre outil de solidarité

Manel Dardouri, Docteure en Sciences de gestion et chercheure rattachée au laboratoire Magellan - iaelyon.

Manel Dardouri, Docteure en Sciences de gestion et chercheure rattachée au laboratoire Magellan - iaelyon.

Le mentorat a fait son apparition dans l’entreprise. Il est même clairement soutenu par le Président de la République qui a lancé, en mars 2021, l’opération « Un jeune, un mentor ». Entre parrainage et coaching, cette forme d’accompagnement a un rôle important à jouer pour l’intégration de jeunes actifs dans le monde du travail.

L 'ambition est élevée : le dispositif d’insertion professionnelle « Un jeune, un mentor » s’est fixé comme objectif de monter à 100 000 mentors en France dès cette année, puis à 200 000 en 2022, alors que 25 000 seulement étaient en place début 2021. L’Etat va même lui consacrer 30 millions d’euros qui viendront en soutien à des entreprises et des associations.

Un enjeu fort dans les entreprises

Le rôle du mentor ? Partager bénévolement un peu de son temps pour apporter son expérience, son savoir-faire et son carnet d’adresses à un jeune en formation ou arrivant dans un nouveau milieu professionnel (on rencontre aussi le mentorat dans le monde universitaire et dans les structures associatives). Salarié, cadre, dirigeant ou même retraité : tous peuvent devenir mentor. Manel Dardouri, chercheuse et enseignante à l’iaelyon, responsable des programmes de mentorat au Centre d’Entrepreneuriat de l’Université de Lyon, précise : « Les finalités du mentorat en entreprise sont claires : il s’agit bien de faciliter ou d’accélérer la carrière de personnes confrontées socialement à des freins : personnes issues de la diversité ou/et de quartiers défavorisés, femmes et hommes avec un plafonnement de carrière, etc. Mais il y a une dimension centrale dans le mentorat : le développement de la confiance en soi. Pour le mentoré, c’est un outil de développement personnel. »

Une démarche structurée

Sans beaucoup de formalisme, voire de façon très pragmatique, le mentorat a toujours été présent dans les PME et les grands groupes, sans forcément dire son nom ; on parle parfois de parrainage. Mais dans sa forme plus structurée, il s’est d’abord développé dans de grandes entreprises. Dans certaines d’entre-elles, on peut compter plusieurs dizaines de mentors. La démarche suit alors quelques règles : définition d’une date de début et de fin de la démarche (de 6 à 18 mois), de la fréquence des rencontres entre les personnes concernées (hebdomadaire, mensuelle…), du suivi et de l'évaluation, etc.

Manel Dardouri explique : « Le mentor ne peut pas être un supérieur hiérarchique de la personne qu’il accompagne. Il est là, avant tout, pour partager son expérience avec un " junior " qui, lui, en manque. Il ne doit pas être trop directif, ni imposer une relation de dépendance, de " sachant " à " apprenant ". »

D’où l’importance de sensibiliser et former les mentors à la posture qu’ils auront à tenir. Un mentor n’est pas un expert, son rôle n’est pas de diffuser un savoir technique comme pourrait le faire un tuteur qui maîtrise parfaitement une machine et peut en expliquer le fonctionnement à un nouveau collaborateur. « On est ici dans le développement de soi : le mentor va aider un jeune à maîtriser les codes de l’entreprise, lui ouvrir son réseau de contacts, échanger sur ses perspectives d’avenir. Je peux témoigner d’un mentoré qui a fini par démissionner car il a estimé qu’il n’était pas à la bonne place. »

Bien sûr, la composition des binômes, souvent faite par un comité d’attribution, est une composante importante du succès de la démarche. Il arrive d’ailleurs qu’un « tandem » ne fonctionne pas ; question de personnalités et d’affinités.

Les enjeux du mentorat entrepreneurial

Une autre forme de mentorat monte en puissance : le mentorat entrepreneurial ou mentorat d’affaires, qui peut accompagner, par exemple, des jeunes en phase de création d’entreprise. On est ici dans une autre logique : la démarche est payante, rémunérée dans un cadre contractuel. Le binôme pourra travailler, alors, sur des thèmes aussi variés que la gestion de conflits, la structuration des process ou le développement personnel de l’entrepreneur.

Bénévole quant à lui, le mentorat mis en place et financé par l’Université et la Ville de Lyon au Centre d’entrepreneuriat relève de cette logique. Actuellement, le Centre compte pas moins de 200 mentors qui ont été formés et ont signé une charte. Ils accompagnent chacun un créateur d’entreprise pendant dix, vingt ou trente heures, transmettant leur expérience d’entrepreneur, échangeant pour aider le créateur à répondre lui-même à ses interrogations. « Le mentor ne travaille pas sur le projet d’entreprise lui-même mais sur le porteur de projet. Il peut le sensibiliser aux réalités de l’entrepreneuriat, échanger sur ce qu’il vit, sur la façon dont il gère son équilibre vie personnelle/vie professionnelle, dont il vit ses comités de direction, etc. » Une sorte de coaching, alors ? « Il y a une différence notable entre les deux, tient à préciser Manel Dardouri. Le coach, profession certifiée et réglementée, maîtrise des outils et des méthodes bien définis. Ce n’est pas le cas du mentoring qui, lui, apporte d’abord une expérience, un vécu. »

Né aux Etats-Unis et au Canada, le mentoring a désormais pris racine en France. L’initiative « Un jeune, un mentor », première opération gouvernementale de ce type au monde, est étudiée avec intérêt à l’étranger. « Il est présenté comme un outil public de solidarité en faveur de l’entrepreneuriat et de l’insertion professionnelle, notamment dans les milieux en difficultés ». À suivre

 

Cet article a été publié dans le magazine Connect'iaelyon, rubrique Dossier | Think Tank.

Quelques éléments clés du mentorat 

- Le mentorat bénévole se développe davantage dans la culture française. Il connait une forte visibilité au sein des grands groupes, des structures associatives et des milieux universitaires. Il semble néanmoins moins présent dans les PME. Cette observation (...) peut traduire un manque de ressources (disponibilité, budget) ou un réservoir plus étroit de mentors et une culture hiérarchique ne permettant pas d’avoir des relations mentor-mentoré sans biais hiérarchique.

- Le mentorat rémunéré, ou mentorat d’affaires, émerge dans l’écosystème entrepreneurial français. Il est de plus en plus développé dans les incubateurs et les organismes d’accélération de croissance d’entreprises. De plus, le nombre de cabinets de conseil, de formation et d’accompagnement qui proposant cette forme de mentorat est en forte croissance (...) Afin de veiller au bon développement de cette pratique d’accompagnement, il paraît important de mettre en place un cadre de référence pour les futurs mentors d’affaires.

Dans : « Étude sur le mentorat en France », (29 sept. 2020), par Manel Dardouri pour EMCC.

 

Retrouvez les expertises des chercheurs de l’iaelyon en actualité sur le blog www.thinklarge.fr

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