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Samedi 04 Mai 2024

Edition déléguée AVEC Connect'iae lyon magazine

« Soutenir un modèle de bien-être global »

Eddy Souffrant

Eddy Souffrant

Enseignant-chercheur en philosophie et en éthique appliquée à UNC Charlotte, en Caroline du Nord, Eddy Souffrant est auteur de plusieurs ouvrages sur la responsabilité sociétale des entreprises. Son dernier livre, Global development ethics : a critique of global capitalism, interroge sur la participation et la contribution de chacun à un monde où tous les êtres vivants sont impliqués. Il a bien voulu partager sa vision internationale de la RSE avec Connect’iaelyon.

Que signifie être en responsabilité ?

Eddy Souffrant : C’est un enjeu qui doit tous nous interroger : comment je participe, je contribue, j’adopte une attitude humaine qui prend en compte le monde et ses êtres vivants dans sa globalité.

Les entreprises sont-elles conscientes d’une telle posture ?

E. S. : Pas toutes. Des entreprises ont compris et sont très claires dans leur positionnement et les relations qu’elles entretiennent avec l’environnement, leurs communautés et leur développement économique pour soutenir un modèle de bienêtre global. Citons Patagonia, la marque de vêtements de sport, soucieuse de l’impact de son activité. D’autres entreprises, se questionnent sur le trajet que font leurs produits, par exemple. Cependant, la plupart des entreprises restent axées sur le profit financier à court terme. Cette attitude, promue par l’économiste américain Milton Friedman, continue d’être l’approche dans le monde des affaires. Des entreprises sont encore aveuglées par les bénéfices immédiats en laissant les questions environnementales aux générations suivantes. Une telle approche est malsaine et n’est plus supportable.

Votre livre évoque le contexte dans lequel évoluent les entreprises et notamment les politiques publiques à travers le monde. Parlez-nous de l’exemple de l’exploitation du pétrole.

E. S. : Dans certaines zones géographiques, des entreprises pétrolières savent pertinemment que leurs méthodes d’extraction ne sont pas acceptables. Elles font évoluer leur fonctionnement dans les pays où le gouvernement sanctionne mais sont moins disposées à le faire dans un pays moins répressif. Mais une entreprise en responsabilité globale ne devrait pas attendre que la justice d’un pays soit au bon niveau pour faire attention à l’impact de son activité sur la population, l’environnement et sa propre communauté.

Comment se dessine ainsi l’avenir selon les recherches que vous menez ?

E. S. : Je suis assez optimiste car, de plus en plus, les entreprises prennent en main leurs devoirs et leur responsabilité éthique. Elles choisissent d’écarter des projets qui ne sont pas en accord avec leurs valeurs ou dont l’impact négatif est trop important. D’autres se créent sur le postulat qu’elles font partie d’une société homogène et que leurs processus sont bâtis sur une façon d’agir positive, quelle que soit la puissance du pouvoir politique dans lequel elles vont évoluer. Elles ont décidé d’avoir un impact sur le bien-être global.

Ce libre-arbitre se retrouve dans le domaine purement financier. Investir dans des entreprises éthiques, soucieuses des populations et de l’environnement contribue au bien-être de la société en général. Les modèles économiques peuvent muter.

Quel est le rôle de l’Homme ?

E. S. : L’Homme doit prendre conscience qu’il appartient à un tout. Il doit connaitre les liens et l’interdépendance qui l’unissent à son environnement au sens large. Sa pensée doit être critique, collective et non individuelle. L’éducation devrait enseigner cela, afin que les collaborateurs qui rejoignent les entreprises ne soient pas motivés par le profit uniquement mais bien par une vision globale.

La philosophie enseignée aux futurs managers fait-elle partie de la solution ?

E. S. : La philosophie amène cette pensée critique et peut faire réfléchir sur le sens du bien-être par rapport aux autres êtres vivants. La philosophie apporte le sens de l’humanitaire.

 

Cet article a été publié dans le magazine Connect'iaelyon, rubrique Dossier | Think Tank.

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